Les conséquences dommageables des restructurations et des suppressions massives de postes chez l’opérateur public sont connues : une situation sanitaire et sociale préoccupante et un service dégradé pour nos concitoyens. De surcroit, on sait aujourd’hui que les prévisions sur lesquelles s’appuie le gouvernement pour justifier ces réductions sont infondées : moindre recul du courrier qu’annoncé, progression du résultat net de l’entreprise…
On est en plein double discours, comme en témoigne la décision de l’Etat de faire passer son taux de dividendes de 20 % à 25 %, alors que le gouvernement explique aux Français que le changement de statut de la poste est rendu obligatoire par la nécessité de pouvoir lui offrir de nouveaux moyens financiers. Nous devons garantir l’avenir d’une entreprise publique dont l’utilité sociale et économique est essentielle.
Quels enjeux en Europe ? La libéralisation totale des services postaux est effective depuis le 1er janvier 2011. Comment se situe la Poste française par rapport à ce processus d’ouverture au marché ? Comment ses homologues européennes ont-elles réagi, accompagné voire anticipé ce processus ? Pour répondre à ces questions, quatre chercheurs proposent, dans un dossier de la Vie des idées, des pistes de réflexion qui éclairent chacune à un niveau d’analyse différent les enjeux de cette mise en concurrence généralisée des opérateurs postaux à travers l’Europe. Une approche monographique permettra de comprendre comment la Poste française, qui a longtemps préservé son monopole, se positionne sur ce marché en cours de construction. L’approche comparative, quant à elle, permettra d’aborder les diverses stratégies mises en œuvre dans les grands pays européens (Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas). Au sommaire du dossier :
• Quel sens donner à la libéralisation des postes européennes ?, par Nadège Vezinat La libéralisation totale du secteur a eu lieu le 1er janvier 2011 : à ce jour, peu de conséquences se sont fait sentir. Cela signifie-t-il que l’ouverture européenne des services postaux n’a pas eu d’impact sur la poste française ? Ou, au contraire, que la plupart des transformations avaient déjà été amorcées ou même entérinées avant cette date fatidique ?
• La poste Britannique dans la tourmente, par Odile Join-Lambert La trajectoire de la poste britannique montre le lien entre ouverture à la concurrence et modernisation d’un grand service public. Si les conditions d’emploi et de travail en ont subi les conséquences, la négociation collective est restée forte dans l’entreprise. La rigueur budgétaire consécutive à la crise financière complique cependant ce dialogue social.
• La Poste entre service public et marché, par Nadège Vezinat. La Poste sera certainement bientôt privatisée. Nadège Vezinat montre que cette réforme entérinerait la coexistence des logiques du marché et de service public, et que les tensions liées à cette coexistence d’exigences contradictoires sont largement reportées sur les salariés du groupe. Son enquête sur les conseillers financiers étudie les modalités concrètes de résolution de ces tensions qui touchent salariés et usagers.
• Une poste universelle : le moment de vérité, par Dieter Plehwe Dieter Plehwe décrit comment les différents services postaux européens, dans un contexte de crise du fordisme et de régulation étatisée, ont dû se positionner face à de nouveaux groupes innovants aux politiques d’expansion agressives. Il montre le rôle décisif joué par les gouvernements nationaux et l’intrication des acteurs privés et publics, des régulations nationales et européennes.
• Des guichets pour la banlieue ?, par Yasmine Siblot Dès le début des années 1990, la Poste a transformé son offre pour l’adapter au contexte particulier des « zones urbaines sensibles ». Revenant sur une enquête ethnographique menée dans les années 2000, Yasmine Siblot montre comment le service public s’est redéfini, entre l’action publique et l’action commerciale.
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