Rappelons d'abord que les métropoles relèvent, en l'état actuel du vote par l'Assemblée Nationale, d'un nouveau cadre institutionnel imposé par la loi, qui fixe pour certaines, un périmètre (Paris, Marseille), et des compétences. Ce cadre s'ajoute à bien d'autres sur l’intercommunalité : communauté urbaine, communauté d'agglo, communauté de communes, syndicat intercommunal, .... on peut de ce fait déjà s'interroger sur les raisons de multiplier les formes juridiques de l'intercommunalité !
Le débat ne porte pas, pour moi, sur la nécessité de l’intercommunalité mais sur l'utilité de ce nouveau cadre institutionnel et les conditions de sa mise en place.
Sur la forme d'abord :
Aucune concertation préalable n'a précédé la mise en place de ces métropoles : la concertation lancée par le Sénat à la fin 2011 sur l'acte 3 de la décentralisation n'abordait pas du tout cette question. Ni dans le programme ni dans les promesses de campagne, la création des métropoles n'apparaissait pas : "j'engagerai une nouvelle étape de la décentralisation en associant les élus locaux. Je ferai voter une loi sur le renforcement de la démocratie et des libertés " affirmait au contraire François Hollande dans son programme.
Ensuite nous insurgions avec force il y deux ans, contre le volontarisme à marche forcée de Sarkozy, dans les commissions départementales de l'intercommunalité : Difficile d'accepter qu'on impose maintenant un statut ou un périmètre quand on s'est tant battu sur la base du libre choix des communes : je renvoie à ce que j'écrivais à l'époque " on ne peut gérer les territoires contre les élus" !
Les votes contradictoires du Sénat puis de l'Assemblée Nationale témoignent si l'en était besoin de ces difficultés et des approches contradictoires des élus sur ce sujet. Bien des évolutions législatives restent encore possibles avant l'adoption de la loi !
Sur le fond Ensuite :
Ceux qui y sont le plus favorables disent "on ne peut pas continuer avec 36000 communes " : alors dans ce cas remplaçons les élus par des fonctionnaires et fusionnons les communes : je ne suis pas sur que l'on y gagnera en efficacité, en démocratie, en proximité ! Mais ce serait au moins un choix clair.
La métropole n'est pas simplement une intercommunalité qui s'ajoute aux autres formes déjà trop nombreuses. C'est une collectivité locale de plein exercice puisque la moitié de ses membres devrait, après un amendement "surprise" voté par l'Assemblée, être élue au suffrage universel directe ; elle s'ajoute à la région, au département, aux communes, ..., elle renforce le millefeuille institutionnel, à l'opposé de la simplification voulue.
La double légitimité au sein d'un même conseil de métropole sera source de conflits et de difficultés. Quelle compréhension pour le citoyen ? On peut d'ailleurs s'interroger sur le caractère Constitutionnel de ce double niveau de légitimité dans une même assemblée ?
Compétences imposées dont certaines vident le contenu du pouvoir des communes : urbanisme, voirie...Quel progrès pour la démocratie, pour les habitants, avec moins de proximité, plus de lourdeurs administratives? Laissons donc les territoires décider des compétences qu’ils souhaitent partager en fonction des réalités et des histoires locales!
La métropole créé de fait une Inégalité entre acteurs sur le "qui gouverne", " qui paie", "qui décide"....Le transfert de compétences des départements ou des régions vers la métropole ne peut qu'accroitre l'incompréhension des citoyens puisque dans un même département, une même région, une même compétence pourra relever d'acteurs institutionnels différents. La notion de chef de file perd son contenu. Quel sera le rôle d’un conseiller général élu dans un canton au sein d’une métropole, surtout s’il n’est pas conseiller communautaire ?
Enfin rien n'est dit sur les périmètres de ces métropoles : quelles sont les évolutions possibles? Peut-on en sortir ? Pour notre agglomération certains évoquaient une métropole Caen/Rouen/Le Havre? Qu'en est-il des pôles métropolitains qui se mettaient en place? À partir du moment ou la loi détermine ces métropoles, leurs évolutions seront elles soumises à une nouvelle loi?
Ce débat sur la métropole n'est pas une question d'image ou d’attractivité, mais de gouvernance : la métropolisation des territoires, l'urbanisation sont des réalités qui s’imposent, face auxquelles la question de la gouvernance démocratique de ces territoires se pose : on ne peut la régler que sur la base d'un projet partagé, non impose d'en haut, évolutif dans ses dimensions, et fonction de l'histoire de ces territoires ! N’est ce pas l'essence même de la décentralisation?
L'intercommunalité comme la construction européenne, c’est un long processus ou la démocratie doit toujours être présente faute de quoi les évolutions institutionnelles qu'elles traduisent , marqueront le pas, ou pire, seront rejetées par les citoyens .
Faire confiance à l'intelligence territoriale : Rapport du sénat
Votes du parlement.
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