Le débat sur la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers, non ressortissants de l'Union européenne, résidant en France, pose à nouveau la question de la dissociation entre les deux concepts de nationalité et de citoyenneté. Cette tribune rappelle que la tradition républicaine et le droit français manifestent une conception complexe, plurielle et évolutive de la citoyenneté.
L'examen de la situation dans les autres pays de l'Union européenne montre que la reconnaissance du droit de vote des étrangers extracommunautaires aux élections municipales fait peu à peu partie du modèle européen de société. 15 pays de l’Union européenne ont aujourd’hui voté et mis en œuvre le droit de vote des étrangers et le plus souvent leur éligibilité locale : Suède (1975), Danemark (1981), Pays-Bas (1985) d’abord, le Royaume-Uni accordant l’intégralité des droits politiques aux ressortissants du Commonwealth et de l’Irlande, y compris à la Chambre des Communes.
Certains pays européens accordent ce droit en fonction de la réciprocité de son adoption dans les pays où sont présents leurs ressortissants, comme l’Espagne et le Portugal ; mais dans la plupart des cas, c’est pour élargir la démocratie et associer les étrangers à la participation que ce droit a été mis en œuvre.
Notre tradition républicaine qui remonte à la Révolution française n’a nullement consacré de lien exclusif entre citoyenneté et nationalité. Au contraire, en 1789, la citoyenneté est un acte de volonté détaché de la nationalité. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) atteste de cette conception ouverte. Ainsi, la Constitution du 24 juin 1793 (dite de l’an I) admet les étrangers âgés de 21 ans à l’exercice du droit de vote
Le traité de Maastricht, la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a accordé le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux citoyens de l’Union européenne (article 88-3 de la Constitution mis en œuvre par la loi organique n° 98-404 du 25 mai 1998).Le droit français admet donc de dissocier droit politique et possession de la nationalité.
Contrairement à une conception limitative de la citoyenneté, celle-ci ne se réduit pas au droit de vote. Si ce droit politique est un élément constitutif de la citoyenneté, cette dernière comporte aussi toute une série de droits civils et sociaux, dont bénéficient déjà les étrangers : droit de grève, droit d’association….
La crainte d’un vote dit « communautaire » agitée par la droite ne s’est vérifiée nulle part dans les pays européens qui ont mis en œuvre cette mesure, pas plus que l’éventuelle pression des pays d’origine sur le vote de leurs ressortissants.
La reconnaissance du droit de vote des étrangers extracommunautaires aux élections municipales fait progressivement partie du modèle européen de société. Une évolution conforme à l’idéal européen et républicain. C’est la promesse de campagne numéro 50 de François Hollande : encore faut-il une majorité pour la voter, et donc convaincre !
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