Alors que beaucoup on souligné l’importance du charisme d’Obama dans son élection, alors que les militants Socialistes votent pour élire leurs responsables locaux ou départementaux,... cette note de lecture pour la vie des idées de Y Pranchère, sur le livre de J.-C. Monod, « Qu’est-ce qu’un chef en démocratie ? Politiques du charisme» publié au Seuil, collection « L’ordre philosophique », 2012, vient à point !
Nos démocraties ne peuvent se passer de chefs, selon J.-C. Monod, car ils offrent une garantie de notre liberté face aux dominations des puissances économiques. Encore faut-il parvenir à les choisir et à définir ce qu’on en attend.
« Point de chef ! » : ainsi Jules Vallès résumait-il la confusion des derniers jours de la Commune de Paris. Mais ses paroles rendaient un son atroce : Vallès fuyait la colère des insurgés parisiens, qui lui réclamaient des ordres ; car l’absence de chefs, c’était la certitude du massacre.
« Point de Chef », redit Jean-Claude Monod (sans se référer à Vallès) dans les premières pages de son essai Qu’est-ce qu’un chef en démocratie ? Mais c’est pour aussitôt ajouter que l’élimination du singulier — le fantasme autoritaire du Chef unique et absolu — ne doit pas entraîner la disparition du pluriel : il est impossible d’ignorer que la vie sociale reste rythmée par la présence « des chefs d’orchestre, de travaux et de départements », et surtout « des chefs politiques, de partis, de gouvernements et d’États ».
Le « maître mot de la démocratie », disait Max Weber, est « le droit de choisir directement un chef » — ce qui veut dire, souligne Jean-Claude Monod, que la démocratie est précisément le régime où « le problème du charisme devient crucial, car c’est sur le charisme que repose, plus que dans aucune autre forme de domination connue antérieurement, la sélection du dirigeant politique » .
Jean-Claude Monod nous invite ainsi à réexaminer le lien aperçu par Max Weber entre démocratie et charisme. Sans doute Weber a-t-il trop vite tenu la dimension « césariste » ou plébiscitaire de la démocratie pour le seul recours contre la dépossession technocratique ; mais cela ne retire pas tout sens à son insistance sur l’irréductibilité de « la part personnelle de la décision politique » et le contrôle que permet la responsabilité des chefs. La conviction de Weber était que la légitimité charismatique est « l’une des seules contre-forces capables de s’opposer à la “loi sans loi” de la domination économique pure ».
Ceux qui veulent la « démocratisation de la démocratie » doivent « cesser de conjurer le mot » de chef et se résoudre à élucider les « exigences spécifiques qu’impose le cadre démocratique à l’élément “charismatique” ou au personnage du “chef ” »
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