Les « pays émergents » bouleversent aujourd’hui le paysage économique et politique mondial. Mais qu’est-ce que l’ « émergence » ? Derrière ce label associé à des pays très différents, voire disparates, existe-t-il une réalité commune, voire une voie royale vers le développement ? Dalila Nicet-Chenaf essaie dans une note pour la vie des idées, de faire le point sur cette notion .
Il s’agissait dans les années 1980 par la désignation « pays émergents », de distinguer le bon grain (pays à forte croissance, faiblement endettés, dont le compte de capital était suffisamment ouvert pour accueillir des capitaux) de l’ivraie (pays à faible croissance, croulant sous le poids de la dette, relativement fermé aux entrées de capitaux).
Depuis les années 1980, les listes de pays émergents ne cessent de se multiplier (chaque organisme international à sa propre liste de pays émergents), de se renouveler , sans qu’il soit réellement possible de les recouper – excepté pour les indétrônables Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud (BRICS) qui y apparaissent systématiquement – ou de repérer des critères d’élaboration réellement communs.
Si les pays émergents tendent à être caractérisés par de bonnes performances macroéconomiques, cela ne doit pas masquer que, si l’on prend en compte différents indicateurs de développement humain, ces pays restent clairement des pays en voie de développement.
Au-delà des définitions parfois floues , l’émergence est-elle un processus qui ouvre la voie au développement ? L’émergence est-elle une étape du développement économique qui s’apparente aux notions de décollage économique, de take-off ou de convergence que l’on retrouvait dans les théories économiques explicatives du développement des années 1960-1970 ?
Est-ce simplement une notion qui permet d’élaborer un rating aidant les investisseurs internationaux dans leur placement ou bien l’émergence est-elle une construction politique que les dirigeants de pays en développement mobilisent dans leur bilan économique, ou enfin un concept qui permet de comprendre les trajectoires de développement, et qui peut être théorisé pour en comprendre les mécanismes susceptibles d’être reproductibles ?
Les performances macroéconomiques ne font naturellement pas tout. C’est aussi la stabilité politique et institutionnelle des pays qui, en rassurant les investisseurs, fondent l’essence même de la catégorie.
Si la notion d’émergence fait couler tant d’encre c’est que le label « pays émergent », qui repose sur les performances macroéconomiques des pays couplées à une stabilité politique et un climat des affaires favorable, suppose que s’ouvre implicitement pour les pays, la voie (ou l’espoir) du développement économique.
La catégorie des pays émergents reste sans doute une construction artificielle à l’intérieur de la catégorie des PED, l’instabilité des listes en témoigne. Elle autorise un simple repérage des pays performeurs et il est sans doute trop tôt pour faire de cette notion un élément clé de l’analyse des trajectoires de développement de pays aux expériences pour le moins diverses
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