La constitution hongroise, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, votée par une assemblée non élue pour être constituante, comporte des régressions notables et, en multipliant les références nationalistes, s'inscrit à rebours des grands principes fondateurs de l'Europe.
Le texte promu par Viktor Orban, le premier Ministre Hongrois, comporte de nombreuses mentions qui font sursauter, comme les références nationalistes agressives. Plus précisément encore, le texte fixe dans le marbre constitutionnel certains choix contestables (définition du mariage, protection du fœtus dès sa conception, emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle) que toute majorité future aura du mal à défaire. A l’inverse, la Constitution ne comporte pas de protection suffisante pour certains droits et libertés (interdiction de la peine de mort, liberté de la presse comme droit de l’individu, interdiction des discriminations selon l’orientation sexuelle, indépendance des magistrats). En outre, cette nouvelle Constitution intervient alors que plusieurs signes avant-coureurs pouvaient être repérés depuis plusieurs mois (modification des règles applicables à la cour constitutionnelle, liberté de la presse et des médias).
Son préambule évoque l'importance du christianisme dans la construction de l'identité nationale. Le texte pose des restrictions à l'exercice du pouvoir judiciaire de la Cour constitutionnelle ; le droit de rejeter un texte portant sur des questions financières et budgétaires est strictement limité. Le droit accordé aux autorités locales de saisir cette Cour en cas d'atteinte à leurs droits est supprimé. L'accord d’un "conseil budgétaire", dont les membres ne sont pas élus, est désormais nécessaire avant l'adoption du budget par le Parlement, institution qui peut être dissoute si ce budget n'est pas voté avant le 31 mars de l'année en cours. Les sujets pouvant faire l'objet d'un référendum sont également limités.
Pourtant, les institutions européennes (Union européenne et Conseil de l’Europe) sont restées extrêmement discrètes.
La Commission européenne a commencé à hausser le ton il y a quelques jours. Elle a annoncé qu'elle allait réclamer des sanctions contre Budapest, dont le pays souffre d'un déficit budgétaire trop important. Les 26 autres pays de l'Union européenne (UE) devraient se réunir au sein du Conseil et trancher sur le dossier. Une procédure utilisée pour la première fois, mise en place à l'automne dernier, qui impliquerait de priver la Hongrie d'un milliard d'euros d'aides européennes. La Commission européenne s'est également dite très " préoccupée " du contenu de la nouvelle Constitution. La porte-parole de la Commission européenne, Pia Ahrenkild-Hansen, a déclaré que l'institution se réservait " le droit de lancer des procédures en infraction ", lors de la prochaine réunion des Commissaires européens.
L'article 7 du Traité de Lisbonne précise qu'en cas de violation de la dignité humaine, de la démocratie, de la liberté de l'égalité, un Etat membre peut se voir retirer son droit de vote aux instances communautaires.
L’Europe doit réagir car cette expérience hongroise démontre que les menaces que font peser les partis politiques populistes sur la démocratie ne sont pas théoriques. Le projet européen doit être revivifié et les questions économiques et financières, aussi préoccupantes soit-elles en ces temps troublés, ne sont pas les seules sur lesquelles les Européens sont interpelés. Il ne faut pas laisser tomber la Hongrie dans l’indifférence, au risque d’abîmer notre propre démocratie.
Pour plus d’information lire la note de Terra Nova, La Hongrie et la discrétion coupable de l’Europe
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