Premier président finlandais élu au suffrage universel en 1994, ce diplomate a été récompensé pour sa gestion des crises sur trois continents pendant trois décennies. Il a accompagné pendant douze ans la Namibie sur la voie de l'indépendance (1978-1990) et réussi à ramener la paix, après trente ans de conflit, dans la province indonésienne d'Aceh. Toutefois son action au Kosovo a été moins réussie et plus controversée. Son plan prônant une «indépendance conditionnelle» de l'ancienne province serbe a été rejeté par la Serbie dont les dirigeants n'ont pas pardonné au négociateur finlandais d'avoir évoqué une culpabilité du peuple serbe. C'est toutefois le plan Ahtisaari qui est à la base de la Constitution adoptée cet été par le nouveau Kosovo.
Martti Ahtisaari a en effet, ce qui ne disqualifie évidemment pas l'ensemble de ses actions au service de la paix, récemment fait preuve - en tout cas on peut le craindre - d'un certain "suivisme" au Kosovo, en l'occurrence en considérant que les revendications nationalistes bruyantes, voire violentes d'indépendance y étaient nécessairement légitimes.
La balkanisation d’une péninsule qui a connu récemment plusieurs conflits, s'est encore ainsi accentuée depuis début 2008.
Un nouvel "Etat" est né, dans une société en partie dominée par des mafias actives, un Etat dont on sait pas trop de quoi il vivra (actuellement au Kosovo : taux de chômage autour de 50 % et importance de l’économie souterraine, elle-même en partie liée justement aux réseaux mafieux).
Martti Ahtisaari a ainsi contribué, avec d’autres, à ouvrir la boîte de Pandore : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ne peut, en effet, être encouragé sans précaution (risque, entre autres, que bien des peuples basculent dans un narcissisme nationaliste exaltant leurs différences en partie mythiques avec les peuples voisins, narcissisme d’ailleurs souvent instrumentalisé par les leaders politiques locaux qui y trouvent leur intérêt personnel).
On le sait, cette indépendance du Kosovo a par ailleurs créé un précédent inquiétant : le président russe Medvedev y a fait référence cet été pour... justifier la reconnaissance par la Russie de celle de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie au détriment de la Géorgie, Etat pourtant souverain.
Beaucoup de peuples se trouvant au XXIe siècle imbriqués sur le même territoire, l’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes m’apparaît de plus en plus comparable au dégoupillage sans précaution de grenades.
Rédigé par : Sessyl | 12 octobre 2008 à 14:19
Je partage assez votre point de vue , et à mon avis, le prix Nobel de la paix devrait revenir plutôt à une association ou organisation de bénévoles.
Ahtisaari a toujours oeuvré en Namibie, Indonésie, Kosovo...comme fonctionnaire international (ONU). Bref, il a fait son job, certes sans tambour ni trompette (fuyant plutôt les médias ...comme le Nobel de littérature d'ailleurs)!
De manière étonnante, les Russes ont été assez virulents contre la nomination d'Ahtisaari au Nobel! Comme quoi ils n'en finissent pas de mal digérer la perte de leur influence sur leur voisinage rapproché.
Rédigé par : Dominique Gambier | 12 octobre 2008 à 16:21