De plus en plus présent dans les formations, le stage fait figure de solution au problème de l’insertion des jeunes diplômés et se présente comme moyen incontournable de « professionnalisation » des études. Le récent dépôt d’une proposition de loi par le groupe socialiste témoigne d’un intérêt pour cette question complexe, sans toutefois apporter de réponse à la hauteur des enjeux.
Dans une note pour la vie des idées, Dominique Glaymann propose d’engager une réflexion plus au fond sur les dangers de la multiplication des stages, et sur les moyens d’y remédier pour ne pas en détruire l’utilité
Au cours de l’hiver 2005-2006, le mouvement étudiant d’opposition au projet de CPE («Contrat première embauche ») du gouvernement Villepin et les premières actions du collectif Génération précaire donnent une forte visibilité médiatique aux problèmes posés par les stages en cours de formation qui se sont développés hors de toute réglementation. Le début d’encadrement législatif posé en 2006 a depuis été suivi par une multiplicité de textes marquant une institutionnalisation du stage.
Le simple fait qu’il s’agisse aujourd’hui, de la cinquième loi en 8 ans et que celle-ci reprenne les principaux éléments figurant dans les deux précédentes suffit à douter que cette nouvelle loi puisse produire des effets significatifs.
Selon le Conseil économique social et environnemental, le nombre annuel de stages en milieu professionnel serait passé de 600 000 en 2006 à environ 1,6 million en 2012. S’il n’existe aucun dénombrement indiscutable, toutes les études convergent pour constater un très fort essor des stages.
L’impact possible des stages sur l’insertion est d’autant plus relatif qu’il faut tenir compte tant de la diversité de qualité des stages que de la grande variété de situations des débutants en recherche d’emploi selon leur diplôme et leur établissement d’appartenance, sans oublier l’influence déterminante de la conjoncture. Le nombre de stages est devenu excessif. Il engendre la répétition dans des proportions difficiles à évaluer de stages sans grande utilité dont l’archétype est «le stage photocopie» et de stages abusifs, que nous qualifions de «stage exploitation».
Multiplier les stages fait structurellement courir le risque d’essaimer des stages sans contenu et sans objectif pédagogique réellement pensés. Certains établissements peuvent y voir une facilité de gestion en ces temps de disette budgétaire puisque les étudiants en stage libèrent des mètres carrés dans les salles de cours et des heures d’enseignement disponibles pour d’autres pendant ce temps.
L’inflation des stages a aussi engendré un effet d’aubaine conduisant des entreprises (mais aussi des employeurs des secteurs public et associatif) à faire travailler des stagiaires en lieu et place de salariés
Paradoxe suprême, l’inflation des stages en vient à compliquer l’accès et la stabilisation dans l’emploi que ces mêmes stages sont censés faciliter. Les nombreux postes où se succèdent et s’accumulent des stagiaires sont des emplois qui conviendraient parfaitement à des débutants.
Il y a donc urgence à limiter le nombre et la durée des stages à l’intérieur des cursus de formation comme au sein des organisations accueillant des stagiaires. Cela requiert sans doute une nouvelle évolution du cadre législatif et réglementaire, mais est-ce bien le sens du texte déposé à l’Assemblée nationale
Au-delà du constat des limites de la réglementation et des outils d’intervention publique, il importe de comprendre que la gouvernance des stages concerne les différents acteurs de l’enseignement supérieur sans l’engagement desquels une régulation efficace semble difficile.
Plutôt que de continuer à voter une nouvelle loi tous les 2 ans, les pouvoirs publics devraient prendre le temps de l’observation, de la réflexion et de la concertation pour déboucher sur des solutions durables, ils devraient favoriser la limitation du nombre et de la durée des stages en aidant ou en incitant les établissements d’enseignement supérieur à les tarir à la source au lieu de favoriser une concurrence et un mimétisme poussant à leur accroissement quantitatif, ils devraient contribuer à la construction d’outils de réflexion et de pilotage (un Observatoire des stages par exemple) orientés vers l’analyse de ce qui se fait et la recherche d’objectifs qualitatifs.
L’enjeu est de taille: il concerne la jeunesse dont le nombre et la formation devraient constituer l’un des atouts de la France en Europe et dans le monde, et non faire figure de « problème».
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