Le dernier livre de Bruno Trentin, qui vient de paraître en français quinze ans après sa publication en Italie, avec une préface de Jacques Delors, s’interroge sur l’échec de la gauche européenne à répondre à la crise du travail qui marque les dernières décennies du XXe siècle. La gauche moderne saura-t-elle réinventer le lien entre droit des citoyens et droits du travail ?
Dans une note pour la vie des idées, Nicolas Hatzfeld en fait une analyse particulièrement utile. Le livre de Bruno Trentin, qui paraît en français quinze ans après sa publication en Italie – cinq ans après le décès de celui-ci – surprend en effet par son envergure.
Le lecteur un peu averti sait l’auteur riche d’une expérience exceptionnelle d’engagements : fils d’un juriste antifasciste réfugié en France, entré adolescent dans les rangs de la Résistance française puis en Italie, il s’est ensuite engagé dans la principale confédération syndicale italienne, la CGIL. Il y a occupé des fonctions d’importance croissante : secrétaire de la fédération de la métallurgie en 1962, il devint secrétaire général de la confédération de 1988 à 1994. Communiste, il prit part aux évolutions du PCI, jusqu’à sa transformation en parti de la gauche démocratique.
Mais on ne trouvera rien de mémoriel dans cet ouvrage qui montre l’autre face de l’auteur. Intellectuel passé par Harvard et docteur en droit, Bruno Trentin a publié une dizaine d’ouvrages sur le travail et les travailleurs, le syndicalisme et le conflit social. Ce livre s’inscrit dans ce terrain de réflexion. Il le retourne en profondeur pour s’attaquer à une fragilité essentielle de la pensée de gauche à la fin du XXe siècle, son échec à associer de manière prospective le travail et la citoyenneté. Pour cela, il mobilise une ample culture en économie politique, en sociologie et en histoire, afin de plonger aux racines de cette faiblesse séculaire que l’actualité ne fait que mettre en lumière.
Bruno Trentin, La Cité du travail. Le fordisme et la gauche, Avant-propos de Jacques Delors, introduction d’Alain Supiot. Traduit de l’italien par Jérôme Nicolas. Paris, Ed. Fayard, coll. ’Poids et mesures du monde’, 2012, 444 p., 25 €.
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