En France, l'affaire Cahuzac a profondément choqué et perturbé la représentation politique nationale en créant un mauvais amalgame entre une faute individuelle et l'ensemble des élus. La publication des déclarations de patrimoine des membres du gouvernement a enchanté ou attristé les observateurs de la vie politique française. Les Français le veulent mais en même temps s'en désintéressent. Mais qu'en est-il chez nos partenaires européens ?
Le site Toute l'Europe à publié un comparatif sur ce sujet . Sur les vingt-quatre Etats membres (hors Autriche, Luxembourg et Malte) étudiés par l'ONG Transparency International, près de la moitié ont mis en place une politique de transparence totale concernant les déclarations patrimoniales de leurs élus.
En la matière, le Royaume-Uni fait figure de pionnier. Mise en place dès 1973, cette mesure a ensuite fait des émules dans la péninsule ibérique, où l'Espagne, en 1982, puis le Portugal, en 1983, ont adopté des législations similaires. Ce fut ensuite au tour des Suédois et Finlandais d'inciter fortement leurs élus à dévoiler leurs déclarations de patrimoine, qui comprennent, outre les logements, les actions et participations de chacun dans le capital d'une ou plusieurs entreprises. Depuis 2008, les élus suédois sont obligés de rendre public leur patrimoine, tandis que cette publication s'effectuait auparavant sur la base du volontariat.
Enfin, les pays de l'Est entrés dans l'UE en 2004 et 2007 ont pour la plupart adopté des mesures de transparence totale en ce qui concerne la publication de ces déclarations particulières. Ainsi, la Lettonie (1995), la Pologne (1996) ou encore la Bulgarie (2000) ont mis en œuvre ces politiques quelques années avant leur entrée au sein de la communauté européenne.
Du côté des pays de l'ancienne UE12, le constat est plus nuancé. Quatre des six pays fondateurs publient partiellement les déclarations des élus. C'est notamment le cas de l'Allemagne, où les élus du Bundestag sont tenus de publier leurs revenus, mais pas leur patrimoine. En Grèce, les déclarations publiques n'étaient pas véritablement scrutées par les autorités, jusqu'à la mise en place d'une Autorité indépendante dans le cadre des réformes de bonne gouvernance imposées récemment par les créanciers du pays. Outre-Quiévrain, les élus belges n'ont pas à rendre public leurs placements financiers. Quant aux danois, les déclarations de patrimoine s'effectuent sur la base du volontariat, et n'ont aucun caractère obligatoire.
Enfin, les pays les plus opaques ne sont pas forcément ceux qu'on attend. Ainsi, Chypre, qui avait voté une loi imposant la transparence la plus totale en 2004, a fait volte-face quatre ans plus tard. La Cour constitutionnelle suprême a déclaré anticonstitutionnelle cette loi. En Slovénie, les élus n'ont pas l'autorisation de publier ces déclarations, tout comme en France. Dans ce domaine, nous apparaissons comme ayant le système le plus opaque. Le patrimoine des élus est gardé secret depuis des décennies, et seule l'administration fiscale y a accès.
Face au champ de ruines laissé par l'affaire Cahuzac, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a prévu de déposer dans les prochaines semaines un projet de loi, afin de remédier à ce défaut de transparence. Les débats promettent d'être animés. Dans un communiqué du 24 avril, Transparency International France note à propos de ce projet de loi sur la transparence:
"Vingt ans après les dernières grandes initiatives d’un gouvernement français en matière de déontologie de la vie publique, Transparency International France salue des projets de loi qui marquent une volonté de mettre en œuvre un plan d’action global en la matière visant à rétablir la confiance aujourd'hui très altérée des citoyens dans les élus et les institutions.
Les textes présentés ce matin couvrent en effet, dans leurs têtes de chapitre, la plupart des recommandations formulées par Transparency International France depuis plusieurs années. Outre un dispositif de prévention des conflits d’intérêts, l’association salue notamment les annonces visant à rendre possibles l’inéligibilité définitive des élus et des ministres condamnés pour corruption ainsi que le droit d’agir en justice pour les associations anti-corruption.
Transparency International France restera très vigilant lors des débats qui auront lieu au Parlement. L’association appelle également les parlementaires à renforcer les moyens de contrôle dont disposera la Haute Autorité afin de s’assurer que les règles seront effectivement appliquées et les manquements sanctionnés. Trop souvent dans le passé, les lois votées sous la pression des affaires n’ont débouché dans la réalité que sur des mesures inadaptées ou inappliquées."
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