Gilles Savary a mis sur son blog un billet interessant sur l'Europe, que je relate ici. Au dela des coups de menton, des positions démagogiques de repli sur soi ,il décrit clairement la responsabilité du Parti Socialiste dans la ratification du Traité de discipline budgétaire (Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance) adjoint du Pacte pour la croissance et l'emploi. A chacun de faire son choix dans un contexte pour le moins difficile.
"Jamais le Parti Socialiste n'a été à ce point confronté à sa vérité européenne qu'en cette rentrée politique 2012 où il devra assumer, en tant que formation majoritaire, la ratification du Traité de discipline budgétaire (Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance) adjoint du Pacte pour la croissance et l'emploi, qui constitue un saut politique européen sans précédent depuis la création de l'Euro.
Les spectres des furies nationalistes du XXème siècle comme les inestimables dividendes pacificateurs du Traité de Rome ont campé les socialistes français sur une ligne européenne prudente mais sans enthousiasme, minimalement correcte tant que rien d'essentiel n'était en cause.
En réalité, depuis l'origine, le sentiment européen épouse à Gauche une ligne de fracture qui traverse le Parti Socialiste et dont on peut comprendre qu'il n'ait guère mis de zèle à en exacerber les divisions internes par des positions tranchées et clivantes.
Le Parti Communiste s'est détourné de son internationalisme quand il a perdu son horizon soviétique, et s'est replié avec constance sur une ligne nationaliste eurosceptique qui ne fait pas mystère des intentions de vote du Front de Gauche sur ce Traité comme sur ceux qui l'ont précédé.
Quant aux Verts, qui incarnent à Bruxelles l'avant –garde d'une formation politique européenne, on ne sait encore quelle conséquence peut avoir à Paris leur constitution en groupe parlementaire sur un vote qui s'annonce à priori divers.
Du coup, la ratification parlementaire du compromis européen négocié par François Hollande et son Gouvernement les 27 et 28 juin derniers, promet de remettre à jour, au sein de la Gauche, de vieilles fissures de tradition, de conviction ou de positionnement, qui confèrent au Parti socialiste une responsabilité politique toute particulière.
Seuls François Mitterrand habité par sa vaste culture du temps long historique et par les humiliations françaises de la dernière guerre, et Jacques Delors, ont vraiment fait exception par un engagement européen résolu, décomplexé et visionnaire. On a pu penser, de leur temps, que le Parti socialiste prendrait sur cette question, le relais de l'engagement européen des pionniers Chrétiens Démocrates d'après-guerre.
Mais depuis lors, la Gauche, outre qu’elle n'a plus dirigé la diplomatie française depuis 1995, n'a cessé d'être ambigüe vis à vis de leur héritage, qu'il s'agisse de l'Euro du fait de la doctrine rigide de la BCE, ou même du Marché Intérieur qui prétend abolir les frontières nationales de nos monopoles publics industriels et commerciaux.
Pourtant elle aura incontestablement marqué ces dernières années d'une critique constructive et finalement lucide de la dérive libérale et financière qui a caractérisé, par une sorte de servitude volontaire autant qu'idéologique, la dernière décennie de la construction européenne.
C'est elle qui, la première, en a appelé à une régulation supranationale du capitalisme financier et de son pillage organisé des économies mondiales. C'est des mouvements citoyens, des think tank et des Partis de Gauche que sont venues les premières propositions concrètes de régulation de la spéculation et de la finance, à l'exemple de la mise en place d'une taxe sur les transactions financières jugée incongrue par la Droite et Nicolas Sarkozy, avant qu'ils s'y convertissent dans l'improvisation électoraliste de ces derniers mois. C'est elle qui a avancé l'idée de renforcer politiquement le premier cercle des pays de la zone euro.
C'est la Gauche qui a porté la critique de l'ultralibéralisme, du "moins d'impôts et moins d’État", qui constituaient la doxa décomplexée du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy, il y a tout juste 5 ans.
C'est de François Hollande qu'est venue en 2012 la proposition politique de relance européenne dont les faits valident chaque jour un peu plus la clairvoyance et l'urgence, face à une Droite qui la tournait encore en ridicule catastrophiste il y a moins de 6 mois. C'est son Gouvernement qui défend de nouvelles ressources propres pour le budget européen, quand celui de François Fillon proposait d'amputer les prochaines perspectives financières de 200 milliards d'Euros pour la période 2014-2020.
Au total, dans le Traité qui nous est proposé, le reniement doctrinal est plutôt du côté de Nicolas Sarkozy et de José-Manuel Barroso que de la Gauche française.
Et pourtant, face à l'échéance qui se précise, des voix apocalyptiques se lèvent à nouveau à Gauche sur le thème de la dépossession nationale, pour dérober encore à une épreuve de vérité européenne, au nom d'un vieux fond national-keynésien qui a fait les beaux jours des trente glorieuses grâce aux effets conjugués du plan Marshall, de la reconstruction de l' Allemagne en ruines, du leadership incontesté de l'Occident, des restes d'un grand empire, et d'un appareil productif national solide, aujourd'hui révolus.
Ce qui arrive à l'Europe, qui est une crise européenne de gouvernance d'une monnaie unique sans budget unique, dans un contexte de crise mondiale du capitalisme financier qui en exacerbe les risques, était envisagé par de nombreux économistes à la suite de l'économiste américain Mundell, dès les premiers débats qui ont entouré la création de l'Euro dans les années 90.
Dans leur fuite européenne volontaire sur la base du tenon "Euro" dans la mortaise "Unification de l'Allemagne" Mitterrand et Kohl ne pouvaient ignorer qu'ils impartissaient aux générations futures le devoir et la charge de parfaire l'édifice par la mise en place d'un degré supérieur de coordination budgétaire et de convergence économique appuyé sur un gouvernement économique de la zone Euro que la Gauche Française n'a cessé d'appeler de ses vœux.
Certes, il aurait été plus sage et précautionneux de s'y atteler sans attendre plutôt que de tenter de se délester sournoisement de l'Allemagne par une très hasardeuse Union de La Méditerranée, avant d'être remis au pas, et d'en devenir le vassal résigné.
François Hollande a rectifié le tir en redonnant une dimension européenne multilatérale à ce qui s'envisageait comme un Directoire franco-allemand où la France était préposée aux conférences de presse de ce qu'avait décidé l'Allemagne. Il a surtout convaincu une majorité d'européens et même au-delà, de la nécessité d'une politique coordonnée de relance de la croissance, que Nicolas Sarkozy n'a cessé de tourner en dérision pendant toute sa campagne.
Est-ce trop que de s'engager à contenir un endettement public qui nous asservit aux marchés financiers ? Est-ce insuffisant encore que de ne mettre en place qu'une ébauche d'Union Bancaire et de "FMI" européen face à la vélocité impitoyable des marchés servis par l'internet ? Le Plan de relance arraché à Bruxelles est-il trop limité ? Aucun de ces arguments n'est irrecevable s'il ne devient pas un prétexte à saborder le tout. Par nature, les compromis sont les moteurs politiques de la construction européenne. Mais l'immobilisme lui est délétère et la fin de l'histoire n'est pas écrite dans le compromis du 28 juin. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir encore pour donner à l'Europe la force de compter dans le nouvel ordre du monde et de conjurer son déclin politique, notamment au plan de sa démocratisation, de son budget, de ses politiques structurelles, de sa dimension sociale.
Il est même possible que ce nouveau Traité soit trop peu, trop tard, trop lent à mettre en place pour éviter l'éclatement de la zone Euro et le retour mortifère aux mirages nationalistes et à leurs guerres monétaires fratricides et délétères.
Qui peut raisonnablement penser de bonne foi qu'un franc faible nous dispenserait, par on ne sait quelle magie, de réduire notre endettement public, et de reconstruire un système productif national compétitif, alors que la fin de l'Euro signerait le retour impérial du dollar, et pour la France une augmentation supplémentaire du coût de l'énergie pour nos entreprises comme pour nos ménages? L'Europe bouc-émissaire de nos nostalgies conservatrices et de nos renoncements politiques nationaux, est un exercice de style qui s’épuise.
Il est évidemment impensable que la France de François Hollande s'expose à une nouvelle défaillance européenne à un moment aussi critique de l'histoire de la construction européenne, et après lui avoir insufflé un changement de cap qui recueille de plus en plus de soutiens en Europe et aux États-Unis.
Ce Traité n'est pas plus le "der des der" que le précédent, et un Traité ne fait pas une politique comme le démontre suffisamment la divergence économique franco-allemande de ces dernières années sous l'empire des mêmes Traités Européens.
En particulier, si l'Europe réussit à mettre en place une gouvernance économique digne des enjeux de notre époque, il deviendra impérieux d'en démocratiser les institutions et de les rendre plus familières et plus participatives à des générations nouvelles dont le mode de vie et la géographie mentale se sont déjà considérablement européanisés grâce à Erasmus, Schengen et l'Euro.
Quant à la France, TSCG ou non, elle n'a guère d'autre choix que de se désaliéner du marché financier en réduisant sa dette publique et de reconstruire un appareil productif en perte de compétitivité préoccupante.
En tout cas, le Parti Socialiste français ouvrirait une crise politique majeure et se disqualifierait durablement s'il n'assumait pas sans complexe le compromis européen obtenu par François Hollande et sa Diplomatie, quatre mois après avoir été la seule Gauche en Europe, et la première dans son histoire à accéder à la responsabilité redoutable mais exaltante de sortir son pays d'une grave crise économique, sociale et morale.
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