L’Erosion de la confiance entre gouvernement et le monde de la recherche, humilié dans le discours du Président de la République du 22 janvier 2009, est sans doute la caractéristique dominante des 5 ans qui viennent de s’écouler : Stigmatisation des chercheurs, mis en cause permanente des institutions académiques, fuite en avant dans la réalité des crédits pour la recherche, dérive du crédit impôts recherche au détriment des PME, poursuite exclusive d’une logique de projets empêche toute perspective dans la durée….
Le premier objectif doit être de retrouver la confiance : d’une part pour faciliter le travail interdisciplinaire des chercheurs indispensable pour les innovations de rupture, et d’autre part pour mettre en cohérence les soutiens institutionnels à la recherche dans les territoires (cf un billet précédent), creusets naturels du triangle d’or du développement : entreprise, formation, recherche.
Certes notre système soufre de bien des faiblesses : éclatement entre écoles et universités, méconnaissance encore trop grande entre les mondes académiques et de l’entreprise, éloignements des institutions de recherche et des Universités, trop d’échecs dans les premiers cycles universitaires sources de gâchis humain et financier… mais on n’y remédiera pas dans le conflit permanent, l’incertitude dans les engagements, c'est-à-dire sans la confiance entre les acteurs, et des objectifs partagés.
Dans ce cadre François Hollande propose plusieurs orientations, qui rencontrent d’ailleurs la démarche des grands réseaux de recherche que nous avons promue en Région de Haute Normandie :
1. Revoir la gouvernance de l’enseignement supérieur et de la recherche : Dès juin 2012 des assises réunissant l’ensemble des acteurs universitaires et de la recherche auront lieu. L’autonomie a été défendue bien avant la LRU par la gauche, mais elle doit aller de pair avec un Etat stratège. Cette conciliation doit se faire par un contrat auquel doivent également prendre part les collectivités locales.
Il n’est pas question de passer d’une vision étatique à une vision régionalisée mais Les bassins de formation doivent être unifiés au niveau de la région et des territoires afin d’assurer la cohérence de l’offre de formation et de recherche.
Aujourd’hui l’autonomie est mise à mal dans certaines universités par un manque de moyens financiers et humains. La gouvernance doit faire l’objet d’un rééquilibrage avec l’ensemble des acteurs de l’université avec de rétablir davantage de démocratie, de collégialité et de transparence. Le législateur devra également s'interroger sur les aspects juridiques et la légitimité entourant les PRES, les conseils d’université et les différentes structures composant le « millefeuille » de la recherche et de l’enseignement supérieur.
2. Le rôle des organisme de recherche : orienter . La politique de recherche résulte de la dynamique de la science, mais aussi des besoins formulées par la société. Ceci pose la question de la place de la recherche au sein des différents acteurs, locaux et internationaux, qui en sont les parties prenantes. C’est le rôle de chacun, en lien les uns avec les autres dans le système de la recherche, qu’il faut penser.
Cette réflexion doit être menée au niveau du territoire avec le tissu local des universités, écoles et acteurs privés, mais également en regardant le niveau international dans un souci d’attractivité. L’orientation de la recherche ne peut être décidée de manière isolée, mais en consultant ces parties prenantes, en mesurant la compétition scientifique et en fonction des avis scientifiques. L’Etat doit tenir son rôle de stratège pour avoir des stratégies nationales de recherche, car on ne peut atteindre l’excellence partout dans tous les domaines. Le système actuel de la « note unique » ne reflète pas la diversité de la recherche et la multiplicité des contributions des équipes et métiers à la recherche.
3. Stabiliser et sécuriser le financement de la Recherche .Aujourd’hui, il existe trois éléments de financement de la recherche : les crédits récurrents, l’ANR et le crédit impôt recherche (CIR). Les deux premiers sont en diminution et seul le CIR compense ces baisses par son augmentation. Le crédit impôt recherche (CIR) est en soi un bon mécanisme, mais il doit être réorienté vers les TPE/PME qui ne captent que 40 % des 5 milliards d’euros du CIR.
Si les financements par projets sont importants, les crédits récurrents sont nécessaires au fonctionnement à long terme des laboratoires et doivent être sécurisés et stabilisés sans dogmatisme. Concernant ces financements d’avenir, il existe un faux débat entre ceux, soi-disant modernes qui défendent les pôles d’excellence, et ceux qui voudrait un saupoudrage sur le territoire. Or, l’Etat stratège doit orienter et définir ces alliances entre ces pôles d’excellence et les universités sous peine de créer des déserts territoriaux. François Hollande propose donc de faire une évaluation de ces investissements, sans remettre en cause les crédits déjà attribués.
4. Réhabiliter le premier cycle universitaire . L’échec du premier cycle universitaire fait l’objet d’un large consensus. Il importe donc de mener une réflexion conjointe sur l’orientation défaillante des élèves mais également sur les filières courtes, dont certaines sont détournées de leurs objectifs (BTS et IUT). Les BTS notamment devraient offrir en priorité aux élèves des bacs pro des formations adaptées à leurs cursus. Et les classes prépas et les IUT permettent surtout aux meilleurs d’éviter ce premier cycle avant de revenir au sein de l’université après la troisième année.
Si tout bachelier a le droit à l’enseignement supérieur, il n’en demeure pas moins nécessaire de réguler les entrées, comme cela se pratique par exemple en Allemagne, en fonction des compétences. Il est nécessaire d’orienter les élèves en fonctions des attentes des entreprises vers de nouveaux métiers et filières en travaillant avec les lycées pour une individualisation des parcours.
La condition étudiante doit être au coeur de la réflexion de la gauche sur l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse des conditions de vie sur les campus ou de leur orientation et de leur intégration professionnelle Concernant la formation des enseignants François Hollande veut confier une mission d’intérêt général aux universités pour résoudre ce problème de flux, tari suite à la politique menée depuis 5 ans.
5. Lutter contre les inégalités et promouvoir l’excellence. Un problème majeur est posé par le manque de docteurs au sein de l’Université. Aujourd’hui 40 % des doctorant sont étrangers, ce qui justifie en soi la suppression de la circulaire Guéant . Il est nécessaire de renforcer le lien grandes écoles et universités en terme de convergence sur les formations et la recherche. Il faut également développer l’excellence et les conditions d’accueil pour attirer les meilleurs étudiants et chercheurs étrangers en France. Ces échanges sont primordiaux comme vecteur d’influence international pour la France et d’échange culturel.
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