Le développement des coopérations intercommunales constitue sans doute une des avancées institutionnelles les plus fortes de ces dix dernières années : construction patiente, car le travail en commun demande du temps, pour adapter la gouvernance de nos territoires, pour rendre plus efficaces les politiques publiques locales et les services publics.
A la suite de la dernière loi sur la réforme des collectivités locales, le gouvernement a décidé de bousculer dans la précipitation les intercommunalités sans véritable évaluation du fonctionnement de l’existant, sans aucune concertation des élus dans l’élaboration du schéma départemental de l’intercommunalité, sans évaluation des conséquences financières des regroupements proposées ou quant aux compétences exercées !
Les projets de nouveaux découpages des intercommunalités sont peu à peu rendus publics par les préfets. Environ 35 % d'intercommunalités en moins et une réduction de plus de 40 % du nombre de syndicats. C'est ce qui ressort de l'analyse de quelque 75 projets de schémas de coopération intercommunale effectuée par l'Association des communautés de France (ADCF). Dans certains départements, la proposition va dans le sens d'une rationalisation drastique du nombre de communautés. Ainsi, la Dordogne passerait de 53 à 24, la Gironde de 45 à 21 et les Alpes-Maritimes ne compteraient plus que 6 communautés alors que dans d'autres départements, le redécoupage ne consisterait qu'à rattacher les communes encore isolées. Certains schémas préfigurent même une évolution en plusieurs temps, à l'image de l'Aveyron, où le préfet envisage le passage à 16 intercommunalités en 2013 et à 11 à plus long terme.
En Seine Maritime, la commission, ou je siège, vient de se tenir, et le Préfet, dans un climat assez tendu, a proposé le schéma qui apparaît sur la carte ci-dessous : 5 regroupements de Communautés de communes, ayant abandonné l’idée, un temps émise, de regrouper les 4 communautés de la Vallée de la Bresle. Il est surprenant de constater que :
- Dans ces regroupements, de fortes oppositions (voir l’unanimité des élus concernés) se sont déjà manifestées, souvent à cause de la précipitation avec laquelle tout cela se fait sans les simulations nécessaires pour étayer les décisions
- l’intercommunalité qui reposait sur la libre administration des communes devient « subie » sans aucune concertation avec les collectivités concernées alors qu’il n’y avait aucune obligation de par la loi, puisque la Seine Maritime ne connaissait aucune commune isolée et aucune communauté de moins de 5000 habitants.
- ce schéma ne s’inscrit pas dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT) qui ont fait l’objet de longues discussions, ou dans des pays qui existaient réellement, comme celui des hautes falaises par exemple.
- Il ignore les contrats de pays ou d’agglo, passés avec la Région et le département, qui risquent d’être mis en cause si les périmètres de ces contrats sont modifiés autoritairement, et donc de remettre en cause les financements prévus
Nous sommes vraiment en face d’un projet de recentralisation des décisions, de démarche délibérée pour mettre « au pas » les collectivités territoriales. Un tel projet , à n’en pas douter va soulever de nombreuses oppositions et figer les démarches intercommunales qui avançaient bien depuis plusieurs années !
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