Le Parti Socialiste propose dans son projet : « Pour lutter contre les discriminations, nous généraliserons les CV anonymes, sans nom ni photo » . Pendant plus d’un an, en étroite collaboration avec Pôle Emploi, une équipe de chercheurs a mené un protocole sans précédent d’évaluation du CV anonyme qui permet de mieux évaluer cette proposition.
Des milliers de candidats ont participé: les enseignements, présentés ici, sont nuancés mais ont la force de la transparence... Ce rapport évalue l’impact du CV anonyme ‐ c’est à dire la suppression du bloc « état civil » d’un CV (Nom, prénom, adresse, date de naissance) ‐ expérimenté entre novembre 2009 et novembre 2010 par Pôle Emploi, dans 8 départements. Depuis 2006, la loi sur l’égalité des chances a rendu obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés le recours au CV anonyme. Mais le décret d’application correspondant n’a pas été publié.
L’objectif fixé à l’expérimentation est d’éclairer la faisabilité et l’efficacité du recours au CV anonyme dans la lutte contre les discriminations. Plus spécifiquement, cette évaluation apporte des réponses à trois questions :
1. L’anonymisation du CV modifie‐t‐elle les chances de certains publics d’être retenus pour un entretien d’embauche, puis d’être recrutés, en particulier pour les personnes exposées à un risque de discrimination lié à divers facteurs (origine, lieu de résidence, âge, sexe) ?
2. Quelles sont les conséquences du CV anonyme pour les entreprises en termes de coût et d’adéquation du recrutement?
3. L’anonymisation des CV envoyés par Pôle Emploi conduit‐elle les entreprises à privilégier d’autres canaux de recrutement pour pourvoir leurs postes ?
En conclusion, le CV anonyme agit certes contre la tendance des recruteurs à sélectionner les candidats du même sexe ou du même âge qu’eux ; mais comme on trouve des recruteurs des deux sexes et des recruteurs plus ou moins jeunes, les phénomènes d’homophilie - c’est‐à‐dire la tendance des recruteurs à favoriser leurs semblables- se compensent d’un recruteur à l’autre et l’anonymisation du CV n’améliore pas, en moyenne, les chances des femmes ni des seniors. Surtout, le CV anonyme dégrade les perspectives des candidats issus de l’immigration ou résidant en ZUS‐CUCS. La généralisation du CV anonyme ne semble donc pas se justifier.
En revanche, les résultats sur l’homophilie ouvrent des pistes pour les entreprises allant de la sensibilisation de leurs recruteurs contre cette discrimination cachée à la diversification des personnes en charge de sélectionner les CV.
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