Ce qui se passe en Tunisie, puis en Egypte, interroge aujourd’hui la gauche : Faut-il se mêler de ce qui se passe dans ces pays, au nom d’un droit d’ingérence démocratique? ou bien faut-il agir avec plus de prudence en s’abstenant de soutenir un débouché plus précis que l’exigence de démocratie en général, au nom du respect de la souveraineté des pays étrangers, et du refus de ce qui pourrait ressembler à du colonialisme ou du paternalisme?.Par ailleurs,l'expérience montre que le soutien politique à un pouvoir militaire doit toujours être prudent.
Mais ce qui est sur, comme le souligne Olivier Ferrand dans un billet publié par Terra Nova, « la révolution tunisienne signe l’échec de la politique extérieure française ». La realpolitik française avait certes des fondements rationnels. Les « avantages comparatifs » du pays pour nos intérêts vitaux expliquent l’indulgence des observateurs « réalistes », à droite comme à gauche.
L’engagement sans faille de la Tunisie dans la lutte contre le terrorisme, et son rôle dans la coopération régionale sur ce terrain. Une société musulmane tolérante, présentant une alternative à l’islamisme au sein du monde arabe. Un modèle économique porteur d’un vrai développement : le Forum économique mondial, en 2007, classe ainsi la Tunisie au premier rang africain en termes de compétitivité économique. Un partenariat économique privilégié avec la France : 6 milliards d’euros d’échanges, avec notamment l’implication de nos groupes dans les grands projets d’infrastructure. Et une élite résolument francophile. Tout ceci est vrai.
Mais cette réalité ne justifiait pas une politique hémiplégique, passant systématiquement sous silence les atteintes aux libertés publiques. La doctrine de la France était pourtant le soutien aux droits de l’homme, depuis l’aggiornamento de la Françafrique avec le discours de la Baule, en 1990, par François Mitterrand.
Face à des dictatures qui ne sont plus destinées à durer, la France doit renforcer ses exigences en matière de droits de l'homme, et nouer des contacts plus intenses avec les forces de progrès et la société civile.
Mais la leçon de la révolution de Jasmin ne se limite pas à prôner un meilleur dosage entre realpolitik et droits de l’homme. Elle est plus fondamentale : la realpolitik, désormais, passe par la promotion raisonnée des droits de l’homme Et Olivier Ferrand de conclure « Avec la révolution tunisienne, notre perception du monde doit changer. Notre realpolitik reposait sur un pari : la stabilité des dictatures en place. Ce pari est erroné : elles peuvent tomber à tout moment. Ami des dictatures d’hier ; en froid avec les démocraties de demain : tel est le risque que nous courons, sacrifiant tout autant nos valeurs que nos intérêts. Nous devons faire le pari de l’instabilité. Dès lors, la promotion raisonnée des droits de l’homme est le nouvel horizon de la realpolitik »
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