L’Europe serait-elle une chance pour les services publics ? C’est la forme affirmative qu’ont choisi Pierre Bauby et Françoise Castex comme titre à leur récent essai. Cela peut paraître une provocation ou une ironie de mauvais goût tant l’Union européenne est responsable, pour beaucoup de nos concitoyens, de la dégradation de la qualité des services publics.
Pour les défenseurs des services publics, usagers et salariés, l’Union européenne est perçue comme le fossoyeur des services publics. Certes, la France a plutôt mieux résisté que l’Angleterre de Margaret Thatcher. Cette perception de la responsabilité de l’Union européenne dans la dégradation de la qualité des services publics n’est pas étrangère au désamour grandissant des citoyens vis-à-vis d’un projet européen dans lequel la notion même de service public n’aurait pas de place.
Les services publics restent un pilier du modèle social européen tel que la gauche européenne le définit : une association fondamentale entre une économie moderne prospère et des initiatives publiques pleinement développées.
Pourquoi dès lors un tel décalage entre certains discours politiques et la réalité vécue par les citoyens européens ? C’est ce décalage que tente d’éclairer les deux auteurs, en levant le voile sur les débats européens et le processus de décisions tels que perçus du point de vue du Parlement européen.
Il est important de souligner que ce décalage trouve aussi son origine au niveau national. Depuis vingt-cinq ans, la politique européenne des services publics a fait l’objet d’une double instrumentalisation par les responsables politiques des Etats membres. D’une part, ils rejettent sur l’Europe la responsabilité de tout ce qui est ou risque d’être impopulaire, oubliant de dire qu’ils ont participé à la décision. D’autre part, ils utilisent le prétexte de directives communautaires pour faire passer, par l’Europe, des réformes nationales non assumées. Il n’est pas rare que les Etats aillent, dans les transpositions de directives européennes, au-delà de ce qui est demandé.
Le dernier exemple en date, en France, concerne la mise en œuvre de la directive postale. Si l’Union européenne, notamment au Conseil, a été largement majoritaire pour imposer l’ouverture à la concurrence des services postaux du courrier, rien dans la directive adoptée n’impose la privatisation ni même le changement de statut de l’opérateur public historique.
De même, l’idéologie européenne de la concurrence ne s’est-elle pas trouvée opportune pour arriver à maîtriser les grandes entreprises nationales de réseaux héritées de la Libération, ces « Etats dans l’Etat » qu’étaient devenues des entreprises publiques comme EDF ou la SNCF... ?
Il n’est pas inutile de rappeler, aussi, que l’on regarde toujours les politiques européennes du point de vue particulier de notre histoire et de notre culture politiques nationales. Elles sont parfois tellement enjolivées et survalorisées que nous en perdons la moindre capacité critique et développons un patriotisme politique très subjectif.
Ouvrir la réflexion sur les services publics en Europe, c’est aborder aussi la question de la nécessaire refondation qu’il faudrait entreprendre au niveau national et communautaire pour que le développement des services publics réponde aussi aux aspirations démocratiques actuelles.
Téléchargement Europe une nouvelle chance pour le service public!
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