La proposition de loi Ciotti « visant à lutter contre l'absentéisme scolaire » devrait être examinée en urgence par le Parlement, pour s’appliquer dès la rentrée prochaine.
Cette réforme est emblématique de la méthode sarkoziste. Face à un problème social, l'absentéisme, il faut désigner à la population des responsables, en l'occurrence les « mauvais » parents, et s'ils ne s'amendent pas, les punir en leur supprimant les allocations familiales.
La démarche a l'apparence du bon sens (« les parents sont responsables de leurs enfants ») et suscite, d’après les sondages, l'adhésion des Français. En se refusant à toute analyse des causes du problème, elle se condamne pourtant à échouer: cette note de Terra Nova essaie d'aller au dela de positions trop simplistes.
L'absentéisme est un puissant révélateur des inégalités du système éducatif français. Alors que la moitié des établissements du secondaire ont un taux d'absentéisme inférieur à 2 %, les 10 % d'établissements les plus en difficulté ont un taux supérieur à 20 %. L'enseignement professionnel est particulièrement concerné, avec 15 % d'absentéisme en moyenne.
Les causes du mal de l'enseignement professionnel sont bien connues : concentration des élèves en difficulté du collège, orientation par l'échec et non en fonction des aptitudes et des appétences de l'élève. C'est une banalité, mais une banalité que la proposition de loi oblige à réaffirmer : l'absentéisme est un problème de la politique d'éducation, pas un problème d'allocations familiales.
Il faut rendre l'école plus inclusive et agir de manière plus précoce. Lorsqu'on sait qu'à la sortie du primaire, 25 % des élèves n’assimilent pas le contenu d'une lecture et que 15 % ont de graves difficultés de compréhension, on comprend que l'absentéisme fait suite à de longues années d’impasse et de découragement. Ce n'est pas au moment où il se révèle qu'il faut agir.
Les voies d'une école plus inclusive, œuvrant à la « réussite de tous ses élèves » selon les termes récemment réaffirmés par la Cour des comptes, sont connues. Elles ne sont pas ou trop peu empruntées :
- action dès l'école maternelle pour lutter contre les inégalités de développement cognitif, priorité absolue donnée dans le primaire à l'acquisition d'un bagage fondamental, par une attention soutenue aux élèves en difficulté ; - division par deux de la taille des classes dans les quartiers en difficulté ;
- développement des capacités parentales de supervision des activités de leur enfant et de suivi de son travail scolaire, par des dispositifs préventifs et participatifs (réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, médiation scolaire, universités populaires de parents, etc.) ;
- dans l'enseignement professionnel, orientation appuyée sur la découverte des métiers dès le collège, expérience directe et récente de l'entreprise chez les formateurs, meilleure articulation avec le monde économique pour la définition de l’offre de formation dans chaque territoire.
Ainsi, le dispositif de suspension/suppression des allocations familiales reprend des voies déjà explorées, qui se sont avérées peu concluantes. Il est proche du système applicable avant 2004, qui avait été supprimé pour son inefficacité et son inéquité (les 1,5 millions de familles avec 1 enfant, donc ne bénéficiant pas d’allocations familiales, ne sont pas concernées).
De nombreux pays (Royaume-Uni, Etats-Unis, Nouvelle-Zélande, Belgique, Pays-Bas, etc.) ont recherché une « responsabilisation » des familles, sans effet durable sur l'absentéisme : l'aide apportée de manière contrainte aux familles, au moment où le jeune présente des comportements déviants, est trop tardive ; la sanction financière fragilise des familles déjà vulnérables socialement.
Il faut au contraire impliquer les familles dans l'école de manière précoce et positive, en leur donnant les outils pour accompagner leurs enfants tout au long de la scolarité. La France est l'un des pays développés dont le système scolaire reproduit le plus les inégalités sociales. En frappant d'une sanction infamante et aux lourdes conséquences sociales ceux qui sont déjà les perdants du système, le Gouvernement s'apprête à leur infliger une véritable double peine.
Je suis pour cette mesure car des familles touchent des allocs alors que leur enfant ne vient pas au lycée par paresse...
Rédigé par : Frederic Crochet | 10 juin 2010 à 15:19
C'est triste que certains soient punis deux fois ! où est l'égalité gravée sur les frontons de nos mairies ?
Rédigé par : LGV | 10 juin 2010 à 23:46
Frederic , en homme de gauche , crois tu vraiment que supprimer les alloc aux parents fera aller les jeunes au lycée ?
Rédigé par : jaffre | 13 juin 2010 à 09:13
Je crains malheureusement que cette mesure ne soit un coup d'épée dans l'eau. En effet, lorsque l'on en arrive là, c'est bien souvent trop tard et le mal est fait. Nous savons tous que ces problèmes touchent en priorité les parents qui sont déjà dans une précarité sociale et ce n'est pas ça qui va les aider à s'en sortir...il faut plus de prévention, mais peut être aussi plus de répression, non pas sur les parents qui sont totalement dépassés, mais sur les jeunes qui parfois, et, on le voit régulièrement dans les faits divers, se transforment en véritables barbares...
Rédigé par : Etienne Cornet | 14 juin 2010 à 12:26