L'annonce du projet gouvernemental concernant les retraites soulève, déjà, une levée de bouclier. Et comme à chaque fois, la tendance est à rejeter « en bloc » (ou à approuver de même) le projet. Cependant, comme le souligne le site http://www.tessolidaire.com/ , ce projet, s'il a comme principal objectif d'intervenir sur « l'âge » pour prendre la retraite, met en avant un autre thème important : « la pénibilité au travail ».
On peut regretter cette façon de procéder : N'eût-il pas été préférable de bien distinguer les deux sujets ? Surtout quand on nous annonce le débat sur « la perte d'autonomie » avant la fin de l'année...
Dans son projet, l'annonce est ainsi faite : « Le Gouvernement a décidé de maintenir le droit au départ à la retraite à 60 ans à taux plein pour les assurés dont l'état de santé est dégradé à la suite d'expositions à des facteurs de pénibilité liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail » . Il est dommage que dans cette approche ne soit prise en compte que la fatigue « physique ».
Un peu plus loin, on peut lire : « Le Gouvernement souhaite renforcer la prévention des situations de pénibilité. Dans ce but les expositions aux risques professionnels (port de charges lourdes, vibrations, travail avec des postures physiques pénibles etc.) seront désormais obligatoirement enregistrées dans un carnet de santé individuel du salarié. Ce dispositif de traçabilité associera les services de santé au travail et permettra d'assurer un meilleur suivi professionnel et post-professionnel »
Quand on sait que les négociations entre les partenaires sociaux pour définir « la pénibilité » commencées en 2002 se sont achevées en 2005 sur un constat général d'échec, on peut être intéressé par une approche « originale » en ce sens qu'elle est « individuelle ».
Après tout, depuis des années, et à la satisfaction générale, est mise en place une démarche individualisée pour ce qui concerne la compensation du handicap : plan personnalisé de compensation, plan personnalisé de scolarisation, aide personnalisée à l'autonomie, etc. Dés qu'il est question de « compenser un handicap », il est maintenant obligatoire de faire une démarche « personnalisée ». Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout, sachant que nous sommes inégaux devant la souffrance, fût-elle au travail ?
Mais une approche « personnalisée » n'est pas que « médicale» : il est important de ne pas attendre que la personne soit malade du fait de son travail, mais plutôt d'anticiper. Cela oblige à un suivi spécifique des salariés, dans le public comme dans le privé, prenant en compte toutes les difficultés traversées par la personne. Bien évidemment, certaines professions entrent de fait dans le champ de la « pénibilité » (dés que les horaires ou la fatigue physique ou nerveuse sont excessifs, par exemple)
Une publication de l'Irdes « Pénibilité au travail et santé des seniors en Europe » présente une analyse appuyée sur les données de l'enquête européenne SHARE. Quatre indicateurs d'état de santé sont analysés : l'état de santé perçue, la présence ou non de maladies chroniques, les limitations d'activité et un indicateur de dépression.
On peut encore approfondir en ce sens, mais il faut bien conclure que la prise en compte de la pénibilité dans le projet gouvernemental est incomplète. Ne se baser que sur un pourcentage d'incapacité (20%) est trop limitatif, même injuste. Quand l'on sait que, par exemple, un salarié qui se trouve à ne plus pouvoir utiliser son épaule, « fracassée » dans un accident, cela ne correspond qu'à entre 10 et 15%.
De plus, le système ne prendrait en compte que ce qui est lié au travail : et les accidents eus à l'extérieur, ou maladies non-professionnelles ?
Il est dommage que ce qui innovant concernant « la pénibilité au travail » (l'approche personnalisée), avec la création d'un nouveau droit soit terni par l'oubli de certains paramètres (autres que médicaux) et surtout qu'il faille attendre l'âge de la retraite pour que celle-ci soit prise en compte : pourquoi pas une reconnaissance post-mortem ?
Pour complément d'information :
Retraites et pénibilité: "Le dispositif du gouvernement est complètement injuste »
Retraite et pénibilité : un coup d’épée dans l’eau jugent les médecins du travail
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