Face à la dégradation de la part du travail dans la valeur ajoutée en faveur du capital, de nombreux pays ont revu à la hausse leur salaire minimum. Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS, invite dans une note récente de TerraNova, à une nouvelle réflexion sur le rôle du SMIC, un outil peu efficace contre la crise mais un instrument nécessaire dans une économie sans repères.
Faut-il augmenter le salaire minimum en France ? Face à la crise, cette question revêt une urgence politique et économique particulière. Alors que d’autres pays se sont engagés dans une réflexion profonde sur le salaire minimum, la France se signale par son immobilisme. La crise doit faire évoluer les mentalités.
Depuis une décennie, l’augmentation du SMIC ne remplit plus aussi efficacement son rôle d’outil anti-crise. Les employeurs peuvent agir sur les compléments de rémunération ou sur les heures supplémentaires pour limiter l’effet d’une hausse du SMIC. Cette hausse devrait donc être très significative pour avoir un réel impact sur les salaires. Il est également à craindre qu’une hausse du salaire minimum devienne la justification de licenciements massifs. Enfin, les populations les plus touchées par la crise sont les exclus du marché du travail, d’où le besoin d’agir sur d’autres leviers que le SMIC en temps de crise.
Dans d’autres pays, une réflexion profonde s’était déjà engagée avant la crise sur le bien fondé de la hausse du salaire minimum, alors que, sur un marché du travail déséquilibré, la formation des salaires devenait incapable de garantir une rémunération digne à tous les travailleurs. Progressivement, le déclin de la part du travail dans la valeur ajoutée en faveur du capital s’est traduit par un endettement massif, qui est à la source de la crise financière. Face à cette situation, les pays anglo-saxons se sont dotés de salaires minimum, permettant ainsi la réduction des inégalités salariales et le renversement de la dégradation de la part du travail dans la répartition de la richesse.
Il est temps de lancer cette réflexion de long terme en France, de repenser le salaire minimum dans une économie sans repères.
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